A SAMPLE OF SOME WORK

Tuesday, September 28, 2021

LE CYGNE - THE SWAN BY BAUDELAIRE


 


                                                                                   

 

LXXXIX. – LE CYGNE

 

Á Victor Hugo

 

I

 

Andromaque, je pense à vous ! Ce petit fleuve,

Pauvre et triste miroir où jadis resplendit

L’immense majesté de vos douleurs de veuve,

Ce Simois menteur qui par vos pleurs grandit,

 

A fécondé soudain ma mémoire fertile,

Comme je traversais le nouveau Carrousel .

Le vieux Paris n’est plus ( la forme d’une ville

Change plus vite, hélas! que le cœur d’un mortel);

 

Je ne vois qu’en esprit tout ce camp de baraques,

Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,

Les herbes, les gros blocs verdis par l’eau des flaques,

Et, brilliant aux carreaux, le bric- à brac confus.

 

Là s’étalait jadis une menagerie;

Là je vis, un matin, à l’heure où sous les cieux

Froids et clairs le Travail s’éveille, où la voirie

Pousse un sombre ouragan dans l’air silencieux,

 

Un cynge qui s’etait évadé de sa cage,

Et, de ses pieds palmés frottant le pave sec,

Sur le sol raboteux traînait son blanc plumage.

Prés d’un ruisseau sans eau la bête ouvrant le bec

 

Baignait nerveusement son ailes dans la poudre,

Et disait, le cœur plein de son beau lac natal:

“Eau, quand donc pleuvais-tu? Quand tonneras-tu foudre?”

 

Je vois ce malheureux, mythe étranger et fatal,

 

Vers le ciel quelquefois, comme l’homme d’Ovide,

Vers le ciel ironique et cruellement bleu,

Sur son cou convulsif tendant sa tête avide,

Comme s’il adressait des reproches à Dieu !

 

 

 

 

II

 

 

Paris change! mais rien dans ma mélancholie

N’a bougé ! palais neufs, échafaudages, blocs,

Vieux faubourgs, tout pour moi devient allégorie,

Et mes chers souvenirs sont plus lourds que des rocs.

 

Aussi devant ce Louvre une image m’opprime:

Je pense à mon grand cygnet, avec ces gestes fous,

Comme les exiles, ridicule et sublime,

Et rongé d’un désir sans trêve ! et puis à vous,

 

Andromaque, des bras d’un grand époux tombée,

Vil bétail, sous la main du superbe Pyrrhus,

Auprès d’un tombeau vide en extase courbée;

Veuve d’Hector, hélas! et femme d’Hélénus !

 

Je pense à la négresse, amaigrie et phtisique,

Piétinant dans la boue, et cherchant, l’oeil hagard,

Les cocotiers absents de la superbe Afrique

Derrière la Muraille immense du brouillard;

 

A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve

Jamais, jamais! À ceux qui s’abreuvent de pleurs

Et tettent la Douleur comme une bonne louve !

Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs !

 

Ainsi dans la forêt de mon esprit s’exile

Un vieux souvenir sonne à plein souffle du cor!

Je pense aux matelots oubliés dans une île,

Aux captifs, au vanicus!...à bien autres encor!

 

  

 

 

 

LXXXIX. – THE SWAN

 

For Victor Hugo

 

 

Andromaque, I think of you! That little river,

Poor sad mirror that reflects a resplendent past

And the immense majesty of a widow’s sorrows,

That lying Simoeis who by your tears rises,

 

 Suddenly awakened my fertile memory,

As I walk past the new Carrrousel.

Old Paris exists no more ( the shape of the city

Changes quicker, sadly, than the heart of a mortal) ;

 

I can only see in my mind now the field of stalls,

The mess of marquees and barrels roughly sketched,

The aroma of herbs, the great blocks of granite greened with puddles

And, reflected in the tiles the whole cacophony of the market- place.

 

A swan who escapes from her cage,

And, with her webbed feet rubs the dry pavement,

On the rugged ground trailing her white plumage.

Beside a waterless well the creature opens its beak

 

 Nervously bathing her wings in the dust,

The heart full of the beautiful natural lake speaks up:

“ Rain, when will you fall again? Thunder, when will you roll?”

I see this tragic myth, fatal and strange,

 

Looking towards the sky sometimes, like Ovidian man,

Looking towards the sky ironically at the cruel azure,

Its neck convulsively bearing its livid head,

As if it’s addressing its reproaches towards God ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II

 

 

Paris changes! But not my melancholy,

It remains! New office blocks, scaffolding, concrete,

Old suburbs, everything becomes allegory for me,

And my old souvenirs become heavier than slabs.

 

And so, before the Louvre an image oppresses me:

I think of the swan again, with its crazed gestures,

Like an exile, at once ridiculous and sublime,

And a timeless desire gnaws without pause! and still of you,

 

Andromaque, the arms of a great husband fallen,

Vile livestock, under the thumb of superb Pyrrhus,

After an empty tomb, an ecstasy curbed;

Widow of Hector, alas! and his slave like Helenus !

 

I think of the negress, frail and tubercular,

Struggling in the mud, searching with a haggard eye,

The coconut groves and all of the Majesty of Africa

Behind the immense wall of fog.

 

For those who have lost what they can never hope to find again

Never, ever! For those who weep without end

And who endure Hardship like a Wolf ;

For famished orphans forgotten like dried flowers !

 

Such is my spirit in exile, like Dante in the wood,

An old memory sounds barely audible like a horn !

I think of those sailors forgotten on an island,

Of prisoners, the vanquished…and many other such things !

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