Total Pageviews

Wednesday, May 3, 2023

LIV. L'IRREPARABLE - THE IRREPARABLE - CHARLES BAUDELAIRE ( 1821 - 1867)


Mephistopheles flying over the city, Delacroix, 1828.




 

LIV. L’IRRÉPARABLE

 

 

Pouvons- nous étouffer le vieux, le long Remords,

Qui vit, s’agite et se tortille,

Et se nourrit de nous comme le ver des morts,

Comme du chêne la chenille ?

Pouvons-nous étouffer l’implacable Remords ?

 

Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,

Noierons-nous ce vieil ennemi,

Destructeur et gourmand comme la courtisane,

Patient comme la fourmi ?

Dans quel philtre ? – dans quel vin ? – dans quelle tisane ?

 

Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,

Á cet esprit comblé d’angoisse

Et pareil au mourant qu’écrasent les blessés,

Que le sabot du cheval froisse,

Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais.

 

Á cet agonisant que le loup déjà flaire

Et que surveille le corbeau,

Á ce soldat brisé ! s’il faut qu’il désepère

D’avoir sa croix et son tombeaux ;

Ce pauvre agonisant que déjà la loup flaire !

 

Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?

Peut-on déchirer des ténèbres

Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,

Sans astres, sans éclairs funèbres ?

Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?

 

L’Espérance qui brille aux carreaux de l’Auberge

Est soufflée, est morte à jamais !

Sans lune et sans rayons, trouver où l’on héberge

Les martyrs d’un chemin mauvais !

Le diable a tout éteint aux carreaux de l’Auberge !

 

Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?

Dis, connais-tu l’irrémissible ?

Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,

Á qui notre cœur sert de cible ?

Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?

 

L’irréparable ronge avec sa dent maudite

Notre âme, piteux monument,

Et souvent il attaque, ainsi que le termite,

Par la base le bâtiment.

L’irréparable ronge avec sa dent maudite !

 

 

 

J’ai vu parfois, au fond d’un théâtre banal

Qu’enflammait l’orchestre sonore,

Une fée allumer dans un ciel infernal

Une miraculeuse aurore ;

J’ai vu parfois au fond d’un théâtre banal

 

Un être, qui n’était que lumière, or et gaze,

Terrasser l’énorme Satan ;

Mais mon cœur, que jamais ne visite l’extase,

Est un théâtre où l’on attend

Toujours, toujours en vain, l’Être aux ailes de gaze.

 

 

 

 

 

 

 

  

 LIV.  THE IRREPARABLE

 

Can we muffle the ancient, the old Remorse,

Which lives, squirms and agitates,

Feeding off of us like worms on the dead,

The caterpillar the oak?

Can we muffle the ancient, the old Remorse?

 

In what filter, in what wine, in what tisane

Can we drown this old enemy, 

As gourmand and as destructive as a courtesan,

As patient as an Ant?

In what filter- in what wine - in what tisane?

 

Pray tell, beautiful Sorceress, oh! do tell, if you know,

To this spirit filled with anguish,

Like the dead burying the wounded,

Like the shoe to the limping horse,

Pray tell, beautiful Sorceress, oh! do tell, if you know,

 

To the poor dying that the wolf already scents,

And which the crow also surveys,

To that broken soldier who must despair

If they are ever to have marker placed of a shallow grave;

To the poor dying that the wolf already scents!

 

Can we ever illuminate a mercury tinted sky?

Can we rip apart the darkness,

Blacker than pitch, till there is no night nor day,

Starless, and without any funerary lights?

Can we ever illuminate the mercury tinted sky?

 

Hope which shines on the tiles of the old auberge

 Murmurs, and which never dies!

Moonless and without light, how to find then shelter

For the martyrs stuck out on a bad road!

The Devil having snuffed out the light on the tiles!

 

Adorable Sorceress, do you love the Damned?

Pray tell, do you know the unpardonable?

Do you know Remorse with its poisonous traits

And to which our poor hearts are the targets?

Adorable Sorceress, do you love the Damned?

 

With blunt teeth, the irreparable gnaws upon our souls,

A pitiful monument,

And often it attracts, just like the termite,

At the foundation of the structure.

With blunt teeth, the irreparable gnaws upon our souls!

 

In the pit of banal theatres, I’ve seen, at times,

What can inflame a sleeping orchestra,

Like a light illuminating a hellish sky,

In a miraculous aura;

In the pit of banal theatres, I’ve seen at times

 

A beast, which wasn’t anything but light, gilt and gauze,

Terrace gargantuan Satan;

But my heart, which has never known ecstasy,

Is a theatre where we await always,

Always in vain, the Being with wings of gauze!